« Faire adhérer les équipes » et « démontrer l’utilité de la démarche » à la hiérarchie sont les principaux freins au déploiement de l’ISO 45001.
L’Afnor a récemment publié les résultats d’une enquête sur la connaissance et les usages de la norme ISO 45001. Cette étude est riche d’enseignements sur les freins et les leviers d’une démarche en santé sécurité au travail, ainsi que sur les liens entre SST et QVCT.
« Utile et rassurante », ce sont les premiers adjectifs utilisés par les personnes en charge de la santé et de la sécurité (SST) dans les entreprises pour qualifier la démarche SST. Malgré cette perception positive, la mise en œuvre d’un management de la SST – basé ou non sur la norme ISO 45001 – n’est pas si simple ou évidente. Des freins subsistent toujours, selon l’étude commandée par l’Afnor au cabinet Audirep. Une étude menée au printemps 2024 en deux parties : une étude quantitative avec 104 répondants en ligne et une étude qualitative avec notamment des entretiens.
Démarche SST : leviers et freins
Ce ne sera une surprise pour aucun préventeur, les premières difficultés rencontrées pour mettre en place la démarche qui sont citées sont le fait de « faire adhérer les salariés et équipes » et de « réussir à démontrer l’utilité de la démarche aux différents niveaux hiérarchiques ».
En miroir, le premier facteur de réussite concerne l’implication de la direction et des managers. Les répondants de l’étude « disent avoir besoin d’arguments pour convaincre du bien-fondé de la démarche et obtenir les moyens humains et financiers de la part de la direction ». Ainsi, « un accompagnement est généralement nécessaire pour faire comprendre l’utilité de la démarche, le plus souvent par une formation, mais aussi un management participatif ». Parmi les arguments, la dimension économique peut être utilisée puisque l’Afnor note que la SST traite « d’événements ayant un impact direct sur l’activité de l’entreprise » (non-conformités, accidents du travail, gain de nouveaux marchés grâce à la certification, etc.). Des études ont déjà montré le lien entre la sinistralité et la performance économique (ex. : étude de l’IRSST).
Côté managers, se manifeste une « crainte d’alourdir la charge de travail, avec des contrôles supplémentaires à effectuer ». Les préventeurs doivent donc déployer des efforts pour que « les managers jouent leur rôle de relais ».
Côté salariés, certains assimilent la démarche à « une forme de flicage de leur métier : on te surveille et tu dois te surveiller aussi ». Des efforts de pédagogie seraient nécessaires mais payants car, selon cette étude, « une fois la démarche expliquée, les salariés parviennent en général à dépasser leurs a priori ». L’Afnor liste aussi les différentes améliorations qu’apporte une démarche SST et qui emportent l’adhésion des travailleurs : meilleure ergonomie des postes, meilleure considération et, en définitive, une amélioration des conditions de travail.
SST et QVCT : « deux hémisphères d’un même cerveau »
Les répondants ont aussi listé les sujets qui selon eux entrent dans le périmètre de la SST et ceux rattachés à la QVCT (qualité de vie et des conditions de travail).
La SST « apparaît comme un domaine très investi, très fortement associé à la notion des risques, au respect du code du travail, à un cadre légal, à des enjeux importants structurés autour du triptyque évaluation-protection-prévention ». Ce domaine est largement porté par des fonctions HSE/QHSE ou QSE. « La dimension technique prévaut. »
Il apparaît que le sujet de la QVCT est un « domaine plutôt préempté par les fonctions RH ». La qualité de vie au travail est largement associée à des notions comme le bien-être au travail, la réduction des risques psychosociaux (RPS) ou encore l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle. De là à dire que les préventeurs ne se sont pas suffisamment appropriés la prévention des RPS et la santé mentale et restent trop techno-centrés ? C’est ce qu’ont exprimé plusieurs intervenants lors de conférences du salon Preventica Lyon d’octobre 2024.
Quid de la norme ISO 45001 ?
La norme ISO 45001 est très connue puisqu’elle est citée spontanément par 80 % des personnes lorsqu’on leur demande quels textes, référentiels ou normes ils connaissent sur le sujet de la SST et de la QVCT. La norme est particulièrement connue dans les secteurs de l’agriculture, l’industrie et la construction, « en toute logique puisqu’il s’agit de secteurs ou le risque professionnel est majeur », note l’Afnor. Le référentiel MASE est davantage cité par les entreprises de plus de 250 salariés.
L’ISO 45001 est utilisée en vue d’une certification, mais aussi comme un « guide méthodologique en mode check-list ». Plus de la moitié des personnes interrogées l’utilisent en totalité et un gros tiers seulement les chapitres 5 à 10. Les raisons pour lesquelles elle est utilisée sont, logiquement, la mise en place d’une démarche QSE avec ou sans certification, l’intégration des systèmes de management (surtout dans les grandes entreprises, car elle est compatible avec les autres normes, notamment l’ISO 9001 pour la qualité) et la diffusion d’une culture de sécurité dans l’entreprise. À l’inverse, un répondant sur deux la trouve trop théorique.
Depuis la certification, les responsables HSE observent une amélioration de la consultation et de la participation des travailleurs (69 %), un meilleur suivi des formations réglementaires (69 %) et une meilleure implication du personnel (64 %).